La Ville de Paris a diffusé fin mai une communication imprimée de six pages titrée "Votre quartier Europe - Monceau - Saint-Augustin s'embellit". Le document fait un point d'étape sur les travaux réalisés dans le cadre de la démarche municipale "Embellir votre quartier - Europe - Monceau - Saint-Augustin", lancée en 2021 et qui doit s'achever au printemps 2025. Il compte aussi deux éditos politiques, l'un de la Maire du 8e arrondissement, l'autre de l'Adjoint à la Maire de Paris "en charge de la construction publique, du suivi des chantiers et de la coordination des travaux sur l'espace public", dans laquelle chacun se félicite de ces aménagements.
J'ai déjà régulièrement pris position sur les différents aménagements relevant de cette démarche municipale. Aujourd'hui, certains aménagements sont plutôt une réussite, à l'instar des "rues aux écoles" et des plantations d'arbres. En revanche, pour d'autres, non, tout ne vas pas très bien, Madame la Maire ! C'est pourquoi je veux apporter ici des informations pour nuancer, rectifier et démentir certains éléments de cette communication qui frôle parfois "l'infox"...
Sommaire
La communication municipale imprimée de six pages, titrée "Votre quartier Europe - Monceau - Saint-Augustin s'embellit", diffusée fin mai.
Observation préalable
Les deux Mairies - de Paris et du 8e arrondissement - partagent une fâcheuse tendance : présenter les aménagements retenus comme émanant de propositions spontanées des habitants. Dans son édito, la Maire du 8e arrondissement prétend ainsi que les habitants auraient "directement choisi les projets qui sont actuellement menés". C'est inexact. La Ville de Paris avait des propositions de projets dans ses "tuyaux". Bénéficiant de la passivité de la majorité d'arrondissement, qui n'y trouvait rien à redire en dépit des réserves, parfois des levées de boucliers, de certains habitants, l’Hôtel de Ville a eu beau jeu de pousser son avantage. Au besoin, il est passé en force, sous le faux-nez de simulacres de "concertations", en fait de simples réunions publiques d'information. Finalement, là comme ailleurs, la Mairie de Paris a pu agir selon ses préférences, sans freins ni contrepoids, hormis quelques amendements marginaux aux projets initiaux.
Dans le cadre de la démarche "Embellir votre quartier", la Maire du 8e arrondissement aurait dû agir autrement, en collaborant dès que possible avec la Maire de Paris, mais en s'opposant à elle chaque fois que nécessaire. Pour faire connaître et valoir les intérêts des habitants dans la mise en œuvre des aménagements, la Maire du 8e arrondissement doit bien sûr collaborer avec la Mairie de Paris. Mais cette collaboration devrait s'arrêter là où commence la trahison des intérêts des habitants et du mandat des électeurs. Collaborer, oui, mais sans duplicité ni complicité. Pour cela, la Maire du 8e arrondissement aurait dû actionner tous les leviers à sa disposition - en réunion de travail, en Conseil d'arrondissement, en Conseil de Paris, dans la presse... - pour optimiser son pouvoir politique d'avis et d'influence et peser sur les projets de la Maire de Paris, à défaut de disposer d'un pouvoir juridique de décision. C'est précisément parce qu'elle a peu de pouvoir que la Maire du 8e arrondissement aurait dû s'en emparer pleinement et l'exercer au maximum.
Corriger les erreurs de l'aménagement de la rue d'Amsterdam
La communication municipale diffusée fin mai soutient que "la transformation de cette rue [d'Amsterdam] a permis de sécuriser les déplacements des élèves et de leurs familles, grâce à des trottoirs élargis". C'est une autre fâcheuse habitude de la Mairie de Paris et de la Mairie du 8e arrondissement : réécrire l'exposé des motifs des aménagements réalisés. Ainsi apprenons-nous que c'est la sécurisation des déplacements des élèves et de leurs familles qui aurait finalement motivé l’aménagement de la "vélorue" d'Amsterdam. Pourtant, ces considérations sécuritaires, au demeurant parfaitement légitimes, et que je suis d'ailleurs la première à défendre prioritairement lorsqu'elles sont justifiées, n'avaient jamais été mises en avant jusqu'alors. En 2020, lorsque les riverains de la rue d'Amsterdam ont découvert du jour au lendemain qu'une "coronapiste" supprimait la circulation générale et leurs lignes de bus, cet aménagement fut d’abord motivé par des considérations sanitaires : contribuer aux mesures de distanciation sociale en limitant la concentration des personnes dans les transports en commun. Puis la motivation évolua une première fois : fort du succès des "coronapistes", la Ville de Paris assumait de pérenniser l'éphémère pour développer l'infrastructure en faveur de la pratique du vélo. La nouvelle motivation sécuritaire est donc la troisième invoquée pour justifier l'aménagement.
Le document de la Ville de Paris indique aussi que "la rue d'Amsterdam est un itinéraire cyclable stratégique pour la desserte du centre de Paris, pour le quartier Europe et au-delà". Pourtant, ni la Ville de Paris ni l'association "Paris en Selle" ne retient la rue d'Amsterdam parmi les voies méritant de faire l'objet d'un comptage.
Je suis favorable au développement du vélo à Paris, une évolution de la mobilité souhaitable pour l’amélioration du cadre et de la qualité de vie urbaine. Mais je crois qu'il faut organiser ce développement au plus près de l’intérêt général, lequel est nécessairement un compromis entre différents usages et usagers de l’espace public - cyclistes mais aussi piétons, automobilistes, bus, livreurs, taxis, etc. Sans idéologie ni sectarisme, mais avec pragmatisme et compréhension.
Non, Madame la Maire, tout ne vas pas très bien rue d'Amsterdam ! Des erreurs ont été commises dans l'aménagement. Il est encore temps de les corriger. Pour ma part, je plaide toujours pour le rétablissement de la circulation des lignes de bus n°21 et n°95 rue d'Amsterdam, dévoyées depuis 2020 sur la rue de Saint-Pétersbourg. Dans cette perspective, je soutiens la création rue d'Amsterdam d'une voie dédiée pour les bus qui garantisse une "coexistence pacifique" sur la chaussée aux côtés d'une piste cyclable en site propre, séparée et protégée. Je suis déjà intervenue dans ce sens, en déposant des vœux aux conseils d'arrondissement des 2 et 29 novembre 2022, et en écrivant alors à chacune des parties prenantes du dossier - Île-de-France Mobilités, Mairie de Paris, Mairie du 8e arrondissement.
Le plan de circulation du quartier Europe a été mis sens dessus dessous depuis 2021, avec une "vélorue" rue d'Amsterdam, une piste cyclable rue de Londres, deux "rues aux écoles" rue de Florence et rue de Moscou, une mise en voie unique rue de Saint-Pétersbourg, la végétalisation des rues de Clapeyron et de Turin, divers aménagements sur la place de Dublin et à la sortie du métro Liège, ainsi que les déviations de plusieurs lignes de bus. Pour les habitants, les aménagements réalisés se traduisent par un véritable "gymkhana", sans vision ni cohérence, et de très nombreux embouteillages, qui vont jusqu'à figer la circulation, tout particulièrement sur la place de l'Europe et dans le secteur de la rue de Liège.
Rétablir le double sens de circulation générale rue de Saint-Pétersbourg
Dans sa communication, la Ville de Paris rappelle aussi que "dans les prochains mois, une concertation permettra de définir les modalités du réaménagement de la rue de Saint-Pétersbourg, après l'expérimentation réussie de la suppression de la circulation générale dans le sens montant". Pour mémoire, la réalisation du projet d'aménagement de la rue de Saint-Pétersbourg est prévue en 2 phases, l'une avant et l'autre après les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. D'après la Maire du 8e arrondissement citée dans un article du Parisien le 19 janvier 2023, le test de la mise en sens unique descendant (du Nord vers le Sud) de la rue de Saint-Pétersbourg était initialement prévu pour 1 ou 2 mois. Il aura finalement duré près d'un an et demi.
Chacun sera évidemment intéressé de connaître les critères à l'aune desquels ladite expérimentation est qualifiée de "réussie". Car, dans un sondage en ligne que j'avais lancé mi-mai 2023, et dont la question était "êtes-vous satisfait, ou non, des premiers aménagements pour apaiser et sécuriser la rue de Saint-Pétersbourg ?", 68% des répondants étaient insatisfaits (47% "très insatisfait", 21% "plutôt insatisfait"), seuls 32% étant satisfaits (17% "très satisfait", 15% "plutôt satisfait").
Compte tenu des retours de riverains dont je continue d'être destinataire, je considère qu'il faut rétablir le double sens de circulation générale rue de Saint-Pétersbourg, afin notamment de faciliter la circulation des habitants et de restaurer une voie alternative au boulevard des Batignolles pour rejoindre la place de Clichy.
La communication municipale indique ensuite que "le réaménagement de la rue de Saint-Pétersbourg sera coordonné avec une rationalisation du nombre de lignes de bus qui y circulent". Il existe de longue date un consensus des riverains pour demander à la Mairie de Paris d'agir pour réduire l'insécurité et la pollution rue de Saint-Pétersbourg en rétablissant la circulation des lignes de bus n°21 et n°95 rue d'Amsterdam. Ils avaient d'ailleurs lancé une pétition en ligne "pour apaiser et sécuriser la rue de Saint-Pétersbourg". Je ne reviendrai pas sur ce point déjà évoqué : j'y suis moi aussi toujours favorable.
Mais le pire pourrait être à venir si la "rationalisation" évoquée du nombre de lignes de bus était synonyme d'une suppression de lignes. Si le nombre de lignes de bus devait diminuer, les habitants du quartier auraient alors non seulement perdu en qualité de desserte bus, le maillage étant de plus en plus grossier, mais aussi en quantité.
Rééquilibrer l'aménagement de la piste cyclable du boulevard Malesherbes
La communication municipale considère également que "la création d'une piste cyclable boulevard Malesherbes a permis de sécuriser les traversées piétonnes et les carrefours avec les rues de Miromesnil et de Lisbonne". Si chacun se réjouit de cette sécurisation, ce n'était pas l'objectif principal du projet. L'aménagement de la piste cyclable du boulevard Malesherbes a d'abord et avant tout supprimé l'intégralité des places de stationnement latérales, sans que la mesure de cette suppression soit strictement nécessaire, adaptée et proportionnée aux besoins de l'aménagement. Ce faisant, il a rompu l'équilibre d'intérêt général que chaque aménagement de l'espace public devrait préserver entre les intérêts de ses différents usagers. D'autant que des riverains du boulevard qui ont pourtant le droit de s'arrêter brièvement en bas de chez eux sont aujourd'hui verbalisés alors qu'ils disposent de leur disque bleu.
Il est encore temps de rééquilibrer le projet initial d'aménagement de la piste cyclable, en restaurant un minimum de places de stationnement sur la bande technique prévue pour les zones de livraison, le stationnement des personnes handicapées et les taxis. La possibilité de s'arrêter brièvement au droit de chez soi pour décharger son véhicule doit évidemment être mieux garantie. Enfin, l'offre alternative de places de stationnement résidentiel, en surface et en souterrain, doit être développée à proximité immédiate du boulevard Malesherbes.
Améliorer l'insertion locale de la "rue aux écoles" Monceau
La communication municipale indique enfin que "la rue aux écoles de la Bienfaisance, plébiscitée par les parents et enfants, a été déclinée dans les rues de Florence, de Moscou et prochainement rue de Naples, de Monceau et du Rocher". Si je suis par principe très favorable à l'aménagement de "rues aux écoles" afin d'améliorer la sécurité aux abords des établissements scolaires, je crois qu'il faut tenir compte du contexte local pour arbitrer les modalités pratiques entre une fermeture partielle ou totale à la circulation automobile.
Un exemple avec la "rue aux écoles" Monceau. De nombreux commerçants et habitants de la rue du Rocher et des rues adjacentes déplorent la perte d'attractivité et les fermetures de commerces - alimentaires et non alimentaires - dans le secteur. Or, l'activité économique et le commerce de proximité participent pleinement du cadre et de la qualité de vie et de travail dans un quartier. Bien sûr, nombre de commerces parisiens connaissent des difficultés économiques depuis plusieurs années du fait, notamment, des conséquences de la crise de la Covid, de la concurrence du commerce en ligne, du développement du télétravail et de l'évolution des modes de consommation. Mais, parmi les hypothèses explicatives des difficultés économiques rencontrées par les entreprises du secteur de la rue du Rocher, est régulièrement avancé l'aménagement de la "rue aux écoles" rue de Monceau avec des barrières amovibles entre la rue du Rocher et la rue du Général Foy, laquelle aurait significativement réduit la circulation et la clientèle sur l'ensemble du secteur.
A l'occasion du réexamen du projet de "rue aux écoles" Monceau demandé par les Architectes des Bâtiments de France, un nouvel équilibre peut être trouvé pour mieux conjuguer l'indispensable sécurité des enfants et la vitalité souhaitable des commerces alentours : sans aller jusqu'à retirer les barrières amovibles, à l'instar de certaines "rues aux écoles" parisiennes où d'importants besoins en livraison empêchent la fermeture de la voie piétonne, nous pourrions étudier l'option de l'ouverture des barrières amovibles en dehors des horaires d'entrée et de sortie des élèves de l'école Fénelon, comme je l'ai demandé à David BELLIARD, Adjoint à la Maire de Paris "en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie".
MISE A JOUR EN DATE DU 16/09/2024 > dans sa réponse en date du 9 août 2024, M. BELLIARD est partiel et partial. ll évacue la problématique du dynamisme commercial pour mieux ne défendre que le principe consensuel de l'aménagement d'une "rue aux écoles". Ce faisant, il ne joue pas son rôle d'élu qui devrait à la recherche d'un équilibre au plus près de l'intérêt général, lequel n'est pas la somme des intérêts particuliers mais en tient toutefois compte...
Prévenir les usages indésirables sur la nouvelle place Saint-Augustin
Le chantier du réaménagement de la place Saint-Augustin en cours d'achèvement consiste en la création d'un parvis devant l'église éponyme et la végétalisation de l'espace public sur les abords de l'édifice. Or, certains riverains appréhendent que la création de ces nouvelles superficies d'espace public dédiées aux piétons n'encourage des usages indésirables générateurs de nuisances sonores diurnes et nocturnes, à commencer par la pratique du football ou du skateboard et les attroupements bruyants.
Afin de prévenir ces usages indésirables consécutifs au réaménagement de la place Saint-Augustin, j'ai proposé dès juin 2023 d'étudier l'installation et le financement de jardinières esthétiques et de qualité, de préférence "jardinière Cribier" ou "bac orangerie" (pour en savoir plus, voir la nomenclature dans Le Manifeste pour la beauté de la Ville de Paris), dont la disposition sur le nouveau parvis et les abords de l'église Saint-Augustin sera de nature à dissuader, voire empêcher, ces usages indésirables redoutés.
Sécuriser la piste cyclable du boulevard des Batignolles
Si le boulevard des Batignolles relève de la compétence administrative des services de la voirie du 17e arrondissement, les élus du 8e arrondissement ont leur mot à dire sur le tracé de la piste cyclable sur le terre-plein central du boulevard des Batignolles mitoyen des 17e et 8e arrondissements, lequel est source de confusion et accidentogène pour les piétons comme les cyclistes.
Il faut donc le clarifier et le sécuriser dans les meilleurs délais, en s'appuyant "politiquement" sur le "Code de la rue", adopté le 6 juillet 2023, qui prévoit de supprimer les pistes cyclables sur les trottoirs. Je défends ce projet de longue date, en Conseil du 8e arrondissement comme auprès des Adjoints à la Maire de Paris compétents.
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