Le 28e Conseil de Paris de la mandature s'est tenu du 8 au 11 juillet 2024. Vous trouverez ici l'ordre du jour.
Sommaire
Un budget dépensier et insincère
Les Conseillers de Paris ont examiné plusieurs délibérations budgétaires, sur le compte de gestion et le compte administratif de la Ville pour l'exercice 2023, ainsi que - et surtout - sur le budget supplémentaire ou rectificatif pour l'exercice 2024. Marie-Claire CARRÈRE-GÉE et David ALPHAND, Conseillers de Paris (groupe Changer Paris) des 14e et 16e arrondissements, se sont mobilisés sur ce thème. Rétrospectivement, le budget 2024 apparaît dans sa crudité : c'est un budget dépensier (86 millions d'euros de dépenses courantes supplémentaires par rapport au budget primitif) et dans le déni d'une double dépendance à une fiscalité immobilière en baisse alarmante (100 millions de frais de notaire en moins) et à un endettement en hausse catastrophique (1 milliard d'euros de dette supplémentaire). Autrement dit, c'est un budget bel et bien insincère.
La Mairie de Paris accumule les records budgétaires. Pour la première fois, les dépenses de fonctionnement dépassent les 10 milliards d'euros. Pour la première fois, la charge annuelle du remboursement de la dette dépasse les 500 millions d'euros. La durée de désendettement de la Ville s'élève désormais à 23 ans, soit le double du seuil critique de la capacité de remboursement des collectivités, généralement de 11 à 12 ans.
Lourdement endettée, ne parvenant manifestement pas à aider suffisamment les familles parisiennes, la majorité municipale n'en a pas moins renouvelé l'octroi d'une subvention de 100 000 euros à l'association SOS Méditerranée, contribuant ainsi à remettre une pièce dans le système qui incite les migrants au périlleux passage clandestin de l'Afrique à l'Europe...
RÉTROSPECTIVE 2023. En 2023, la Ville de Paris a continuer d'investir au-dessus de ses moyens, le recours à l’endettement a persisté, la dette a franchi la barre des 8 milliards d'euros, avec une durée de désendettement affichée à 10,6 ans, mais qui serait plutôt de 26,5 ans sur la base du rythme de remboursement actuel. Et ce sans prendre en compte la dette "déconsolidée" dans les structures des bailleurs sociaux, dépassant probablement les 9.1 milliards d'euros fin 2022. La Ville de Paris peut "remercier" les propriétaires parisiens (particuliers et entreprises) : en 2023, le "coup de massue" fiscal de la taxe foncière et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires a généré un produit supplémentaire de + 832 millions d'euros par rapport à 2022, et même de + 91 millions d'euros par rapport au budget 2023 attendu. La chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) est au final de -418 millions d'euros entre 2022 et 2023 (-24%), en corrélation avec la crise du marché immobilier à Paris, largement plus que l’anticipation du budget 2023 (-96 millions d'euros, -5%).
"Pastillage" du PLU, ZTL Paris Centre, transformation du périphérique
Je retiens de ce Conseil de Paris plusieurs autres positions et propositions intéressantes. Anne BIRABEN, Conseillère de Paris élue du 5e arrondissement (groupe Changer Paris), a défendu dans un vœu la suppression de certains "emplacements réservés" dans le cadre du futur Plan local d'urbanisme bioclimatique (PLUB). En l'occurrence, il s'agissait de localisations dédiées aux activités d'enseignement supérieur et de recherche. Valérie MONTANDON, Conseillère de Paris élue du 12e arrondissement (groupe Changer Paris), avait elle aussi demandé le retrait de "pastillages" sur les établissements scolaires privés lors du Conseil de Paris de mai 2024. Les habitants et les acteurs du 8e auraient apprécié que leur Maire défende, elle aussi, en Conseil de Paris, la suppression d'une partie des 97 emplacements réservés pour la création de logements sociaux dans l'arrondissement. Pour mémoire, le futur PLUB sera examiné à la fin de l'année pour une éventuelle adoption définitive. Je ne manquerai bien sûr pas de me mobiliser à nouveau.
Je m'étais moi-même beaucoup mobilisée sur le sujet des "emplacements réservés " dans le cadre du futur Plan local d'urbanisme bioclimatique. J'avais notamment été la première élue parisienne à lever le lièvre de l'instrumentalisation idéologique du pastillage par la Mairie de Paris à des fins de "chasse aux sorcières" contre les établissements scolaires privés catholiques.
Aurélien VÉRON, Conseiller de Paris élu de Paris Centre (groupe Changer Paris), a rappelé son opposition au projet de zone à trafic limité (ZTL) dans le centre de la capitale. J'avais déjà pris position contre ce projet "ni souhaitable ni opérationnel" pour Paris, son centre et le 8e arrondissement. Je partage pleinement les arguments qu'il a développés : les "effets de bord" pour les quartiers voisins sont significatifs, les mécanismes de contrôle sont flous, les gains environnementaux sont quasi nuls, le projet est discriminant sur le plan territorial, et il pourrait accentuer la "touristification" de l'économie et de l'habitat des arrondissements du centre de Paris, avec de nombreuses externalités négatives pour la vie locale et quotidienne des habitants et des commerçants de proximité. Le projet de ZTL Paris Centre est d'autant moins convaincant qu'il n'a guère convaincu : au terme de l'enquête publique, seuls 51% des à peine 800 et quelques participants se sont exprimés en sa faveur...
Anne-Claire TYSSANDIER, Conseillère de Paris élue du 15e arrondissement (groupe Changer Paris), a demandé dans un vœu qu'une étude d'impact indépendante sur les reports de circulation et de pollution soit réalisée avant toute décision d'aménagement du boulevard périphérique. C'est évidemment un préalable indispensable. J'avais pris position contre ce "projet de voie dédiée au covoiturage, aux transports collectifs et aux taxis sur le boulevard périphérique", ainsi que sur la réduction de la vitesse de 70 à 50 km/h, un projet de "privatisation" partielle de la voie circulaire porté par la seule Maire de Paris qui interroge - une nouvelle fois - sur sa politique de la mobilité.
Je salue également le vœu défendu avec succès par Agnès EVREN, Conseillère de Paris élue du 15e arrondissement (groupe Changer Paris), pour préserver la santé des jeunes Parisiens en renforçant la prévention contre la surexposition aux écrans. Ce vœu s'inscrit dans la continuité de la proposition de loi n°547 "visant à rendre obligatoire le dépôt des téléphones portables à l'entrée des écoles et collèges et à renforcer la prévention concernant l'abus d'écrans chez les jeunes" que la Sénatrice de Paris avait déposée en avril.
J'approuve enfin le vœu défendu par les élus du groupe Indépendants et Progressistes relatif à la création d'un espace canin dans chaque quartier parisien. Visant à créer des espaces canins dans chaque quartier et à rendre plus d'espaces verts accessibles aux animaux de compagnie tenus en laisse, ce vœu va dans le sens de mes interventions en Conseil d'arrondissement et de ma pétition en ligne "pour un 8e arrondissement plus sûr et tranquille pour les usagers des espaces verts et plus accueillant pour les propriétaires de chiens".
Théâtre de la Concorde : la nouvelle scène du "catéchisme municipal" accueillie à bras ouverts dans le 8e
Lors de la cérémonie de ses vœux aux élus le 10 janvier 2024, la Maire de Paris avait annoncé qu'elle allait transformer l'Espace Cardin en "une grande université populaire" rebaptisée "Théâtre de la Concorde", "un lieu de débat et de création artistique" autour de la thématique de la démocratie, "un rempart contre l'obscurantisme" face à "la montée des populismes". Au menu de la programmation : des spectacles vivants en lien avec la thématique de la démocratie - théâtre, stand-up, musiciens résidents, ateliers de danse ou d'éloquence, etc.
La réouverture du site de l'Espace Cardin, fermé depuis la réouverture du Théâtre de la Ville place du Châtelet en septembre 2023, a été effectuée progressivement depuis février 2024, dans l'attente d'une inauguration à l'automne prochain.
Lors de notre Conseil du 8e arrondissement du 22 janvier, j'avais déjà prévu d'exprimer mes réserves sur toute programmation artistique et culturelle militante et prosélyte de la part d'une institution publique. Je considère en effet qu'il ne relève pas de la compétence des pouvoirs publics de promouvoir et d'entraîner à une forme d'engagement pour une cause, quelle qu'elle soit.
Si je m'étonne que le Conseil du 8e arrondissement n'ait toujours pas pu délibérer sur ce dossier, le Conseil de Paris a eu l'occasion d'examiner le 10 juillet une délibération 2024 DDCT 147 fixant les redevances liées à l'occupation ou l'utilisation temporaire du Théâtre de la Concorde.
L'exposé des motifs de la délibération était éloquent, le Théâtre de la Concorde étant qualifié ainsi, pêle-mêle :
"une véritable fabrique de citoyens et de démocratie" ;
"un lieu de mémoire et de réflexion internationale sans frontière temporelle ou spatiale, qui questionnera le sens même de sa vocation par l’interrogation permanente de ce qui se fait ailleurs dans le monde ou s’est fait en d’autres temps" ;
"un rempart contre l’obscurantisme qui accompagnera les grandes mutations de notre société, et notamment les grandes crises – humanitaire, climatique, sociale, et bien sûr démocratique – que nous traversons".
Vaste programme !
La Mairie de Paris avait déjà transformé les bâtiments de trois des anciennes mairies des quatre arrondissements du centre en des lieux de débat et de création thématiques : la "jeunesse" dans le 1er arrondissement, la "solidarité" dans le 2e arrondissement et "l'environnement" dans le 4e arrondissement - la fameuse "Académie du Climat"... Les résultats sont pour le moins mitigés, sur l'intérêt comme sur l'affluence. En revanche, les lieux bénéficient largement aux diverses associations politiquement proches de l'Hôtel de Ville.
L'Académie du climat, un entre-soi militant et coûteux. Le réchauffement climatique et ses conséquences sont des enjeux majeurs. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie d'ailleurs le réchauffement climatique de "plus grande menace pour la santé mondiale au 21e siècle". Le principe d'un lieu d'apprentissage et de sensibilisation (par des activités, des conférences, etc.) sur le réchauffement climatique, sur son atténuation, sur notre adaptation, est donc souhaitable et justifié. A fortiori dans la ville hôte de l'Accord de Paris sur le climat (2015). Mais les modalités de fonctionnement de cette Académie du climat ouverte par la Ville de Paris en 2021 dans l'ancienne Mairie du 4e arrondissement ne sont pas satisfaisantes. Le public est partiel, le message est partial. D'une part, le public reçu est déjà largement convaincu. D'autre part, les messages émis sont principalement ceux d'une écologie de combat politiquement orientée. Plusieurs mouvements militants radicaux ont ainsi leur rond de serviette dans cet espace municipal où ils interviennent régulièrement : Les Soulèvements de la terre, Extinction rebellion, Riposte alimentaire, etc. Après avoir initialement investi deux millions d'euros, la Mairie de Paris n'en subventionne pas moins chaque année à hauteur d'un million d'euros le fonctionnement - hors salaires - de l'Académie du climat.
La délibération 2024 DDCT 147 prévoyait précisément "la possibilité de consentir à des mises à disposition à titre gratuit au profit des associations et structures dont l’activité coïncide avec les missions du Théâtre de la Concorde". Pour autant, nul élu n'a pu encore avoir connaissance et délibérer sur le budget et le modèle économique du Théâtre de la Concorde...
Compte tenu de ce qui précède, les habitants du 8e arrondissement pouvaient légitimement attendre de leur Maire qu'elle interroge Mme HIDALGO sur la vocation militante du Théâtre de la Concorde, qu'elle exprime des réserves et qu'elle obtienne des garanties minimales de "neutralité" politique du site. Au lieu de quoi, la Maire du 8e arrondissement s'est félicitée du projet avant de voter "pour" cette délibération DDCT 147. Je le regrette. Les habitants du 8e apprécieront.
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