La Ville de Paris a ouvert une enquête publique, depuis le 11 avril et jusqu'au 13 mai, sur le projet de zone à trafic limité (ZTL) dans Paris Centre. Cette ZTL devrait être mise en place à l'automne 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques. Son périmètre correspondrait au secteur de Paris Centre, à savoir les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements ; l'inclusion, ou non, dans ce périmètre des îles et des quais hauts de la rive droite doit encore être arbitrée.
Pour les habitants et les commerçants qui se trouvent à proximité immédiate de la future ZTL, les externalités négatives pourraient être nombreuses, avec des "effets de bord" en termes de reports de circulation, de rallongements des temps de parcours et de déplacements des pollutions atmosphériques et sonores. Dans le 8e arrondissement, le pont de la Concorde, le pont Alexandre III, la rue Royale, la place de la Madeleine et la rue Tronchet pourraient être tout particulièrement impactés, notamment pendant les périodes de pointe du matin et du soir. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de l'exprimer dans le journal télévisé et un article de France 3 Paris Île-de-France, ainsi qu'un article des Échos.
C'est pourquoi je vous invite à prendre connaissance du projet et vous encourage à faire part de vos observations et suggestions en participant à l'enquête publique, en ligne ou en Mairie. Pour ma part, j'émettrai un avis défavorable sur un projet qui, en l'état, ne m'apparaît ni souhaitable ni opérationnel.
Sommaire
Le contenu et le calendrier du projet
Une "ZTL" est une zone dans laquelle le trafic motorisé de "transit" - celui des véhicules qui ne font que traverser la zone sans s'y arrêter - est interdit, tandis que le trafic motorisé de "destination" - celui des véhicules qui s'arrêtent dans la zone - reste autorisé. Plusieurs grandes villes européennes ont mis en place un tel dispositif, notamment Madrid et Rome.
Le projet de ZTL Paris Centre envisage "d’interdire le trafic de transit dans le centre de Paris et de réserver la circulation à des ayants droit afin de rééquilibrer le partage de l’espace public et d’améliorer le cadre de vie". Les objectifs affichés par la Mairie de Paris sont à la fois de mobilité et environnementaux : "réduire la circulation motorisée, améliorer la sécurité routière en réduisant le risque d'accident ; réduire la pollution de l'air et le bruit ; rééquilibrer l'espace public pour faciliter et fluidifier les déplacements des piétons, des usagers des transports en commun et des cyclistes ; faciliter les déplacements des usagers qui se rendent et circulent dans la zone (résidents, visiteurs, personnes à mobilité réduite (PMR), artisans, commerçants, taxis, services publics, etc.) ; améliorer le cadre de vie et valoriser le patrimoine historique parisien". En visant une baisse du trafic, le projet de ZTL est présenté par la Mairie de Paris comme complémentaire de la mise en place d'une zone à faibles émissions (ZFE) qui concerne une évolution des motorisations.
Selon la Mairie de Paris, entre 350 000 et 500 000 véhicules circulent chaque jour dans le secteur de Paris Centre et le trafic de transit représente environ 50 % du trafic total, suivant les jours et les heures. Ce trafic de transit est principalement composé de Parisiens, à 65%. Invoquant que ces Parisiens "disposent donc d'alternatives nombreuses à l'usage des modes motorisés", la Mairie de Paris estime ipso facto "que seulement 30 % des transiteurs ont absolument besoin de la voiture pour effectuer leur trajet (port de charge, trajets complexes, absence de solutions en transport en commun). Pour les 70 % restants, la voiture est avant tout une commodité".
Les "ayants droit" qui seront autorisés à circuler et à stationner un véhicule motorisé dans la ZTL, car relevant du trafic motorisé de destination, sont les habitants, les commerçants, les véhicules d'intérêt général, les transports en commun, les taxis, les VTC, les livreurs, les médecins et les visiteurs. Pour tous ces ayants droit, la circulation devrait même être améliorée suite à la baisse de trafic attendue. A contrario, relevant du trafic motorisé "de transit", interdit, un véhicule motorisé ne pourra pas, par exemple, se rendre du 8e arrondissement dans le 12e arrondissement en traversant le centre de la capitale. Ce principe comporte des exceptions pour certaines personnes et pour certains véhicules.
Après plusieurs reports depuis sa première annonce en 2020 et le lancement d'une "consultation" en 2021, la ZTL Paris Centre devrait être mise en oeuvre à l'automne 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques puis la signature des arrêtés par la Maire de Paris et le Préfet de police de Paris. Un an de "pédagogie" devrait être observé avant que des contrôles ponctuels et ciblés, éventuellement à terme au moyen de la vidéo-verbalisation, permettent de faire respecter les restrictions de circulation.
Travaillé par la Mairie de Paris en concertation avec la Préfecture de police de Paris, le périmètre de la ZTL Paris Centre devrait correspondre au secteur de Paris Centre, c'est-à-dire aux quatre arrondissements du centre de la capitale, soit un périmètre de 10 km, un ensemble de 5,4 km² et 131 km de voirie cumulée. Les discussions se poursuivent concernant l'inclusion, ou non, des îles et des quais hauts rive droite dans ce périmètre. La Mairie de Paris le souhaite. Mais la Préfecture de police de Paris hésite, notamment pour des considérations de circulation des services d'incendie, de secours et de sécurité, en cas d'urgence, sur les voies de contournement de la ZTL, lesquelles subiront des reports de circulation. Du fait du partage des compétences de voirie entre la Ville de Paris et la Préfecture de police, la réalisation de la ZTL nécessitera un accord formel des deux autorités.
L'étude d'impact
La Mairie de Paris a réalisé une étude d'impact dense (voir les nombreux documents du dossier de l'enquête publique). Dans le périmètre de la ZTL, elle anticipe une baisse générale du trafic des véhicules motorisés, laquelle entraînerait une baisse de la pollution et du bruit. L'étude chiffre à 30 % la diminution du volume de circulation avenue de l'Opéra, 15 % boulevard de Sébastopol, 11 à 17 % quai Henri IV, 7 à 9 % rue Réaumur. Elle chiffre à 15 % la diminution du niveau de bruit avenue de l'Opéra, 10 % boulevard de Sébastopol, 5 % quai Henri IV. Et à 15 % la diminution de la pollution de l'air avenue de l'Opéra, 15 % boulevard Henri IV, 10 % boulevard de Sébastopol, 7 % quai de l'Hôtel de Ville, 5 % quai Henri IV.
Dans son analyse des reports de trafic générés par la mise en place de la ZTL, l'étude d'impact anticipe logiquement que les diminutions de trafic seront principalement localisées à l'intérieur de celle-ci et que les augmentations de trafic seront localisées à l'extérieur, sur ses abords immédiats, ainsi que marginalement sur le boulevard Périphérique - intérieur et extérieur. Mais la Mairie de Paris préfère euphémiser dans sa synthèse des reports de circulation : "l'étude d'impact démontre qu'aucun report massif n'est attendu autour de la ZTL" . Elle poursuit : "les voies de contournement absorberont des impacts très limités et temporaires". Le diable est toutefois dans les détails. D'abord, la formule "aucun report massif" n'exclut pas la survenance de reports ponctuels et significatifs. Ensuite, les "impacts très limités et temporaires" que les voies de contournement périphérique - autrement dit les voies des arrondissements voisins, dont le 8e arrondissement, bordant la ZTL - "absorberont", méritent d'être plus précisément qualifiés, dans l'espace et dans le temps.
Les reports de circulation et les rallongements des temps de parcours seront principalement localisés autour de Paris Centre avec des augmentations de volumes sur les ponts, les boulevards et les quais. Les cartes des reports de trafic montrent par exemple des augmentations de trafic de + 9 % sur le boulevard des Invalides et de + 5 % sur le boulevard Saint-Germain en période de pointe matinale. Dans le 8e arrondissement, le pont de la Concorde, le pont Alexandre III, la rue Royale, la place de la Madeleine et la rue Tronchet devraient être impactés, notamment pendant les périodes de pointe du matin et du soir.
La mise en place de la ZTL entraînera aussi, mécaniquement, une dégradation de la qualité de l'air sur ses abords immédiats qui subiront les reports de circulation et les rallongements des temps de parcours. Pour autant, l'amélioration de la qualité de l'air à l'intérieur de la ZTL ne sera pas significative. L’amélioration de la qualité de l'air grâce à la ZTL restera localisée au niveau des seules voies de circulation et des habitations proches des axes à fort trafic, avec une baisse restant inférieure à 10 %.
La "concertation"
Par un arrêté municipal en date du 26 mars 2024, la Ville de Paris a ouvert une enquête publique en ligne et en mairie, en l'occurrence dans les Mairies du 8e arrondissement, de Paris Centre et du 10ème arrondissements, depuis le jeudi 11 avril 8 h 30 jusqu'au lundi 13 mai 17 h. Cette enquête publique fait suite à un "dialogue préalable" lancé par la Ville en 2021, avec une consultation sur l'instauration d'une ZTL, et qui avait donné lieu à un document de restitution en 2022. C'est ce que la Ville de Paris qualifie de "concertation".
Il est possible de participer à l'enquête publique en ligne en se rendant sur le site dédié de la Ville de Paris. Il est aussi possible d'y participer en Mairie du 8e arrondissement en se rendant à l'une des permanences assurée par la Commissaire-enquêteur le mercredi 17 avril de 9 h à 12 h, le lundi 29 avril de 9 h à 12 h et le lundi 13 mai de 14 h à 17 h. Enfin, une réunion publique d'information sur la ZTL est organisée à la Mairie de Paris Centre (2 rue Eugène Spuller - 75003 Paris) le mardi 30 avril à 18 h.
Ma position : un projet ni souhaitable ni opérationnel
Je suis défavorable au projet de création d'une ZTL sur le périmètre du secteur Paris Centre. Il ne m'apparaît ni souhaitable ni opérationnel pour plusieurs raisons, certaines d'intérêt particulier propre au 8e arrondissement, d'autres d'intérêt général parisien, d'autres encore pour des motifs de faisabilité, d'autres enfin pour des considérations de principe.
Premièrement, les externalités négatives seront nombreuses pour les habitants et les commerçants qui se trouvent sur les abords de la future ZTL. Les "effets de bord" potentiels sont multiples : reports de circulation, rallongements des temps de parcours, déplacements des pollutions atmosphérique et sonore. Dans le 8e arrondissement, le pont de la Concorde, le pont Alexandre III, la rue Royale, la place de la Madeleine et la rue Tronchet devraient être particulièrement impactés, notamment pendant les périodes de pointe du matin et du soir. Des externalités négatives seront aussi potentiellement nombreuses pour les habitants et les commerçants à l'intérieur même de la zone - laquelle reste un centre-ville qui appartient à tous les Parisiens : accentuation du sur-tourisme, raréfaction des commerces de proximité et de bouche, nuisances inhérentes à une économie davantage de loisirs tournée vers les bars et la restauration, assèchement du flux de clients potentiels, etc.
Deuxièmement, il n'existe pas - pour le moment - d'alternatives crédibles aux véhicules motorisés pour tous les Parisiens. Compte tenu de la très - trop - faible accessibilité et adaptabilité des transports en commun parisiens, il n'existe pas d'alternatives crédibles aux véhicules motorisés pour toutes les familles, pour toutes les personnes âgées et pour toutes les personnes en situation de handicap. Nous attendons encore, par exemple, une "liaison à haut niveau de service" sur les quais hauts de la rive droite de la Seine, une amélioration des transports en commun promise depuis 2015 en contrepartie de la piétonnisation des voies sur berges. A Paris, les freins à la mobilité des seniors restent trop nombreux, dans l'espace public comme dans les transports collectifs.
Troisièmement, les modalités concrètes de mise en oeuvre et de contrôle de la ZTL interrogent. Comment distinguer les véhicules de transit des véhicules de destination ? Comment contrôler les accès à la zone pour distinguer ces véhicules ? Comment la ZTL fonctionnera-t-elle au cours de la première année dite "de pédagogie", sans contrôle ponctuel et ciblé pour assurer le respect des restrictions de circulation ? Comment la ZTL s'articulera-t-elle avec les projets de réaménagement de la place de la Concorde, de réorganisation des abords de Notre-Dame, de reconfiguration de l'Hôtel-Dieu et de rénovation de l'ancien Palais de justice ? Enfin, quel est le budget d'investissement et de fonctionnement prévisionnel alloué à la ZTL ?
Quatrièmement, le bilan coût / avantage de la création de la ZTL Paris Centre apparaît globalement négatif pour la capitale. Les coûts sont supérieurs aux avantages. Les reports de circulation et les rallongements des temps de parcours seront significatifs à l'extérieur de la ZTL, alors même que la réduction de la pollution sera négligeable à l'intérieur et a fortiori à l'extérieur.
Cinquièmement, l'ambition et la vision de la Mairie de Paris pour la capitale sont préoccupantes. En postulant de façon dogmatique que la majorité des Parisiens disposent d'alternatives aux véhicules motorisés, la Mairie de Paris cherche à les priver de toute "commodité", autrement dit de tout ce qui est pratique et qui facilite leur vie quotidienne dans la capitale. Pour elle, commodité est synonyme de superflu. Pour moi, commodité est d'abord et avant tout synonyme de qualité de vie dans la capitale. De plus, l'étude d'impact développe de nombreuses considérations liées à la fréquentation commerciale de Paris Centre, comme autant de hors-sujet. A moins que l'un des objectifs de la création de la ZTL Paris Centre soit aussi et précisément d'accentuer la "touristicité" de l'hypercentre ? Mais la Mairie de Paris doit alors le dire... et surtout l'assumer ! Pour ma part, j'anticipe que la création de la ZTL Paris Centre va accentuer la "touristification" de l'économie et de l'habitat des arrondissements du centre de Paris. Or, celle-ci génère nombre d'externalités négatives pour la vie locale et quotidienne des habitants et des commerçants de proximité : inflation de tous les prix, raréfaction de l'offre de logements, hyper-uniformisation et ultra-spécialisation de l'offre commerciale, "airbnbisation" et "ubérisation" des modes de consommation, etc. Avec, in fine, un double effet : la gentrification du secteur et l'éviction des habitants les plus modestes.
Chacun connaît le principe d'universabilité du philosophe Emmanuel KANT. Pour apprécier le caractère acceptable, ou non, d'une action ou d'une décision, il faut se demander si elle peut être universalisée. Si tout le monde peut l'accomplir, alors elle est moralement acceptable. Dans le cas contraire, elle ne l'est pas. Posons-nous maintenant la question dans le cas d'espèce. Que se passerait-il si les arrondissements du n°5 au n°12 décidaient eux-aussi de s'autoproclamer ZTL ? Comment les habitants de Paris Centre quitteraient-ils alors leur secteur ? De deux choses l'une. Soit les habitants de Paris Centre sont une espèce parisienne privilégiée qui peut seule s'autoproclamer ZTL, les arrondissements du 5 au 12 n'ayant pas le même privilège. Soit la Mairie de Paris et la Mairie de Paris Centre ouvre ici une boîte de Pandore qui porte en germe la recréation d'enclaves à Paris et donc la fin d'une certaine mobilité dans la capitale. En tout état de cause, nul ne devrait oublier que nous sommes tous, tour à tour, dans une situation de mobilité de destination et dans une situation de mobilité de transit.
Sixième et dernièrement, le principe même de la multiplication égoïste des ZTL locales est contestable. Se déplacer, c'est aller d'un point A à un point B en passant par des points intermédiaires. Si chacun de ces points intermédiaires s'autoproclame ZTL, le risque est celui d'un "réenclavement" des arrondissements et des quartiers parisiens, synonyme de complication des déplacements et de la mobilité de tous dans la capitale. Comment les automobilistes de Paris Centre sortiront-ils de Paris si les arrondissements voisins décidaient à leur tour de devenir des ZTL ? Je pourrais éventuellement comprendre l'intérêt des quatre arrondissements du centre à devenir une ZTL. Mais leur intérêt particulier n'est pas conforme à l'intérêt général parisien supérieur, lequel devrait prévaloir.
Paris va devenir un peu plus invivable. Ma mère handicapée est dans le 8 eme. Et mois dans le premier. Toujours pas de carte d'invalidité pour les chauffeurs que sont ses enfants....déjà extremement compliqué d'aller la chercher et la déposer car elle habite dans la rue de Moscou piétonnisée et pour en sortir on doit faire 3 Km de détours pour aller en direction du sud.
Les invités devront avoir une dérogation !!! cela veut dire que si vous invitez quelqu un il devra aller demander un laisser passer!
enfin on nous dit que cela va faire baisser le bruit...ne devrez t on pas s'attaquer aux sirènes des voitures de police et des ministres ? sur les quai dans le…