Le Gouvernement vient de confirmer sa politique de durcissement de la réglementation sur la location de logement en fonction du diagnostic de performance énergétique (DPE). Déjà, conformément aux dispositions de la loi du 22 août 2021 "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets", les propriétaires n'avaient plus le droit d'augmenter les loyers des biens classés F ou G depuis le 24 août 2022 et les logements classés G+ (consommant plus de 450 Kwh / m² / an) étaient interdits à la location en France métropolitaine depuis le 1er janvier 2023. Le décret du 18 août 2023 "adaptant les dispositions des contrats types de location de logement à usage de résidence principale" a confirmé le calendrier de la montée en puissance de l'interdiction de location : les logements classés G seront interdits à la location dès le 1er janvier 2025, ceux classés F le 1er janvier 2028 et ceux classés E le 1er janvier 2034.
Selon l'Institut Paris Région, Paris compte environ 600 000 logements classés E, F et G, représentant jusqu'à 66% des logements loués dans le parc privé, dont 320 000 étiquetés F ou G, autrement dit des "passoires thermiques" difficiles à chauffer l'hiver et à rafraîchir l'été. Bien que le 8e soit l'arrondissement le moins concerné de Paris grâce à la qualité de son bâti, l'Insee n'en chiffrait pas moins en 2018 à 51,7% le taux des logements privés classés E, F ou G bientôt interdits à la location.
Une incertitude et un problème
A Paris, pour les propriétaires de logements donnés à la location, ce décret du 18 août soulève une incertitude sur l'application des dispositions et pose un problème de calendrier pour la réalisation des travaux de rénovation.
L'incertitude sur l'application résulte des différentes exceptions prévues susceptibles d'exonérer les propriétaires bailleurs de travaux de rénovation. D'abord, et par principe en copropriété, tout propriétaire peut démontrer au juge que son logement n'a pas pu atteindre l'objectif de consommation énergétique, alors qu'il a lui-même réalisé des travaux de rénovation dans les parties privatives de son lot, à cause de la non-réalisation des travaux nécessaires dans les parties communes. Ensuite, le risque d'une fragilisation de la structure du bâtiment est également une circonstance de nature à exonérer le propriétaire bailleur de travaux de rénovation. Enfin, le refus des autorisations d'urbanisme ou des permis de construire est une troisième exception exonératoire des travaux de rénovation. Du fait de l'ancienneté des immeubles, des protections patrimoniales et de la proximité de monuments historiques, cette exception concerne tout particulièrement les propriétaires bailleurs parisiens. Ils pourraient par exemple peiner à obtenir les autorisations pour réaliser des travaux d'isolation thermique par l'extérieur. Pour mémoire, dans le 8e arrondissement, 176 bâtiments font l'objet d'une protection patrimoniale selon l'Opendata de la Ville de Paris et 110 édifices bénéficient d'une protection au titre des monuments historiques.
Le problème de calendrier résulte quant à lui de la brièveté du délai - moins de 18 mois avant l'interdiction de la classe G - pour la réalisation des travaux de rénovation conditionnant la possibilité de continuer à louer. A la condition préalable, bien sûr, de disposer des moyens nécessaires... Les assemblées générales de copropriétaires qui décident le lancement de tels travaux s'étalent généralement sur plusieurs années. Et nul ne saurait exclure une pénurie d'artisans qualifiés dans la période, ainsi qu'une inflation subséquente des prix des travaux.
La Mairie du 8e arrondissement organise le mercredi 27 septembre à 19h (salle des conférences) une réunion publique de présentation du dispositif municipal "Éco-rénovons Paris+, le programme de la Ville de Paris d'aides financières et d'accompagnement gratuit des copropriétés privées pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique et environnementale des immeubles. Inscrivez-vous à la réunion publique en cliquant sur ce lien. En savoir plus sur le dispositif en cliquant sur ce lien.
D'ores et déjà des effets pervers
Le durcissement de la réglementation sur la location de logement en fonction du DPE génère d'ores et déjà des effets pervers, du fait des incertitudes et des anticipations - au demeurant parfaitement légitimes - des propriétaires bailleurs. Les bonnes intentions écologiques paveraient-elles un enfer quotidien pour tous, propriétaires bailleurs comme locataires ?
L'interdiction progressive à la location des logements les plus "énergivores" tend en effet à assécher un peu plus un marché locatif déjà très tendu à Paris, alors que la construction de logements neufs est au point mort. Certains propriétaires préfèrent vendre leur logement, parce qu'il est déjà une passoire thermique ou parce qu'il va rapidement le devenir. D'autres se replient vers la location meublée touristique saisonnière de type Airbnb, laquelle n'entre toujours pas dans le champ d'application de la réglementation et de son durcissement.
La suite est cousue de fil blanc : ce sont d'abord les parties prenantes les plus fragiles et vulnérables du marché du logement qui sont, et qui seront, impactées par cette évolution, trop rapide et trop peu accompagnée, de la réglementation : les petits propriétaires bailleurs n'ayant pas le temps et / ou les moyens de réaliser les travaux de rénovation, et les locataires modestes qui peinent de plus en plus à trouver une location sur le marché. Un marché noir de la location de logements contrevenant aux normes énergétiques pourrait même prospérer au point de rencontre entre l'offre des premiers et la demande des seconds...
A terme, l'éco-rénovation des logements est bien sûr vertueuse sur le plan environnemental comme sur le plan social, puisqu'elle permet aussi de diminuer les factures énergétiques et de revaloriser le patrimoine immobilier. Mais dans l'intervalle, le Gouvernement devra probablement ajuster et le calendrier de l'interdiction de la location et les aides financières d'accompagnement de la mise aux normes des propriétaires bailleurs.
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