Tribune | Film "Sacré-Cœur" : quand la laïcité déraille
- Catherine Lécuyer

- il y a 2 jours
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TRIBUNE - Pour Catherine LÉCUYER, la laïcité est de plus en plus dévoyée pour justifier la censure d’expressions culturelles à dimension religieuse, chrétienne notamment. L'élue du 8e arrondissement de Paris estime que cette dérive menace la liberté artistique et le pluralisme.
La laïcité, pilier de la République française, est de plus en plus souvent détournée de son sens historique pour justifier des décisions de censure dans l'espace public. Loin d'être l'instrument de la liberté d'expression et de la garantie de la neutralité de l'État, elle est instrumentalisée pour opérer un effacement implicite du fait religieux, en particulier de la culture d'inspiration chrétienne, au mépris de l'esprit de la loi de 1905.
La dérive d’un principe fondateur
La loi du 9 décembre 1905, fondatrice de notre laïcité, garantit la liberté de conscience et assure la neutralité de l'État vis-à-vis des cultes. Elle impose à l'État de ne favoriser aucun culte, mais elle n'a jamais exigé l'invisibilisation ni l'éradication de l'expression culturelle ou artistique inspirée par une tradition spirituelle.
Or, une dérive préoccupante s'installe. Des institutions publiques, pourtant tenues au respect de cette liberté fondamentale, semblent préférer la politique de l'effacement face à toute évocation religieuse.
Le détournement de la loi de 1905
L'affaire du film "Sacré-Cœur" est emblématique de cette dérive. Refus d'affichage dans le métro parisien, déprogrammation initiale à Marseille... Il aura fallu l'intervention du juge des référés pour rétablir les droits de l'œuvre. Le message est pourtant simple : diffuser une œuvre culturelle présentant une dimension religieuse n'est pas un acte de prosélytisme et ne viole en rien la laïcité. Un film n'est pas un catéchisme !
Cette situation n'est pas isolée. Il y a dix ans, l'affiche du concert des Prêtres au profit des Chrétiens d’Orient avait déjà été censurée par la RATP sur la base d'un argumentaire similaire. Les faits changent, mais la logique de précaution excessive, voire de censure déguisée, demeure. La laïcité, censée être le bouclier de la liberté, est transformée en paravent commode pour masquer des choix politiques et culturels qui redoutent la polémique.
La peur du religieux : un réflexe de censure culturelle
En se transformant en État censeur au lieu de rester État neutre et garant des libertés, la République prend un risque majeur. Elle menace la liberté artistique : si l'évocation d'une tradition spirituelle, en l'occurrence le christianisme, suffit à déclencher un réflexe de censure, c'est la diversité culturelle elle-même qui est bridée. Qui osera encore produire ou financer des œuvres sur l'histoire spirituelle et culturelle de la France ? C'est un appauvrissement du débat public.
Elle rompt aussi l'équilibre laïc : une laïcité qui s'applique de manière plus stricte à une expression religieuse qu'à d'autres devient une laïcité à géométrie variable. Elle ne protège plus toutes les convictions ; elle les discrimine. Cela fragilise la paix civile et le contrat républicain qu'elle prétend garantir. L'effacement du fait chrétien, constitutif de l'histoire et du patrimoine français, ne garantit pas la neutralité ; il institue un vide culturel dangereux.
Retrouver l’esprit de la laïcité : protéger, pas effacer
Il est urgent de rappeler l'essence de notre pacte laïc. La laïcité n'est pas l'outil de l'effacement, mais celui de l'équilibre. Elle ne doit pas interdire, mais arbitrer pour garantir la coexistence. Elle ne censure pas, elle protège la liberté d'expression de tous.
Il est temps que les institutions publiques défendent la liberté face aux pressions militantes, plutôt que de choisir l'effacement par une interprétation réductrice et erronée de la laïcité. La liberté d'expression, y compris d'inspiration spirituelle, n'est pas négociable. C'est le prix à payer pour une République véritablement neutre et pluraliste.
Hier, la laïcité permettait à l'État de se protéger vis-à-vis des religions. Aujourd'hui, elle doit à l'inverse permettre à ces dernières de se protéger du premier.



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