
Les dernières semaines ont été riches en actualités, propositions et débats concernant la protection et le financement du patrimoine de Paris et du 8e arrondissement. Les équipes admises à proposer un projet pour le réaménagement de la place de la Concorde ont été sélectionnées. La ministre de la Culture, Rachida DATI, a formulé dans un entretien au Figaro plusieurs propositions : la délimitation de futurs domaines nationaux pour leur lien exceptionnel avec l'histoire de la Nation, la création de nouveaux "secteurs patrimoniaux remarquables", la constitution d'une version française du National Trust britannique, la mise en place d'un tarif symbolique pour les visites touristiques de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou encore la tarification majorée des musées pour les visiteurs hors Union européenne. Le débat a aussi porté sur l'autorisation en vigueur d'installer des bâches d'échafaudage comportant un espace publicitaire sur les monuments historiques, dès lors que les recettes perçues sont affectées au financement des travaux.
Le réaménagement de la place de la Concorde entre dans une nouvelle phase
Après que la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) a rendu en septembre un avis favorable sur l'avant-programme de travaux du réaménagement de la place de la Concorde proposé en juin par la Commission de réflexion sur la transformation de la place de la Concorde, un jury co-présidé par le Ministère de la Culture et la Mairie de Paris s'est réuni le 16 octobre pour sélectionner les cinq équipes admises à proposer un projet pour le réaménagement de la place. Les équipes retenues sont les suivantes : Chatillon Architectes (patrimoine), Louis Benech (paysage) et Snohetta (urbanisme) ; Antoine Dufour (patrimoine et paysage) et Atelier Soil (urbanisme) ; Eugène (patrimoine), Michel Desvigne (paysage) et H2O (urbanisme) ; Pierre Antoine Gatier (patrimoine) et Alexandre Chemetoff (paysage et urbanisme) ; Philippe Prost (patrimoine et urbanisme) et Bruel Delmar (paysage). La prochaine étape interviendra au premier semestre 2025 avec la sélection du projet lauréat parmi ces cinq groupements.
Si les 12 propositions de la Commission de réflexion sur la transformation de la place de la Concorde allaient globalement dans le bon sens, je veillerai à ce que la charte prévue pour les occupations événementielles de courte durée soit particulièrement exigeante. Je n'oublie pas non plus que la Ville de Paris s'était engagée en 2023 à restaurer en deux temps les huit statues allégoriques des villes, très dégradées, qui surplombent les guérites de la place de la Concorde (Bordeaux, Brest, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, Strasbourg), une partie avant les Jeux Olympiques, l'autre après. Aujourd'hui, seules deux statues ont été restaurées avant les Jeux Olympiques, celles des villes de Lille et de Strasbourg. C'est pourquoi j'ai interpellé Mme Karen TAÏEB, Adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine, de l’histoire de Paris et des relations avec les cultes, pour qu'elle confirme l'engagement de la Ville de Paris à restaurer les six autres statues de la place de la Concorde et précise le calendrier de cette restauration.
RAPPEL > Ma propre position sur le projet de réaménagement de la place de la Concorde est la suivante. 1/ Des garde-fous doivent être prévus pour que ce réaménagement soit d'abord et avant tout une réhabilitation à vocation historique et patrimoniale. 2/ la circulation giratoire de la place doit être conservée. 3/ une (re)végétalisation d'une partie de la place peut être envisagée, à condition que toute végétalisation soit basse et à très haute qualité environnementale, puis entretenue avec le souci de l'excellence (nb : cette végétalisation partielle pourrait aussi contribuer à prémunir la place contre certaines occupations événementielles commerciales indésirables). 4/ l'interdiction des occupations événementielles commerciales de la place, de sorte de n'y autoriser que des occupations non commerciales et d'intérêt national. Bien sûr, certains événements populaires ont une vocation durable à être organisés sur la place de la Concorde. Je pense d'abord au défilé militaire du 14 Juillet et au passage de l'arrivée du Tour de France. D'autres événements sportifs commerciaux ne font aussi que passer par la place. En revanche, je conteste l'occupation événementielle et commerciale de la place de la Concorde par des défilés de mode, des zones d'animations sportives ou certains salons professionnels. Dans une présentation des différents usages de la place de la Concorde, l'APUR a pu objectiver par les chiffres le constat, déploré par les habitants et les "amoureux du patrimoine", d'une sur-occupation événementielle de la place de la Concorde. En 2023, 10 événements ont ainsi été organisés, aboutissant à une occupation totale ou partielle de la place de 182 jours, soit la moitié de l'année. C'est inacceptable !
Trois des six futurs domaines nationaux parisiens dans le 8e arrondissement
La même CNPA a émis début octobre un avis favorable pour la délimitation de six futurs domaines nationaux à Paris pour leur "lien exceptionnel avec l'histoire de la Nation". Parmi ces six domaines, trois sont localisés dans le 8e arrondissement. Il s'agit de l'Arc-de-Triomphe, de l'Hôtel de la Marine et de la Chapelle expiatoire. Au cours de sa prochaine réunion en décembre, la CNPA devrait examiner deux autres projets de délimitation concernant le 8e arrondissement, celui du Grand-Palais des Champs-Elysées et celui de l'Obélisque de la Concorde.
Cette inscription sur la liste des domaines nationaux vient confirmer la valeur patrimoniale exceptionnelle des ces monuments historiques classés appartenant à l'Etat. Désormais, ces monuments seront inaliénables et imprescriptibles. A l'instar des nouveaux "secteurs patrimoniaux remarquables" (infra), l'outil juridique du domaine national est très utile pour mieux protéger le patrimoine parisien dans une capitale qui, comme le rappelle Mme DATI, le protège paradoxalement assez peu.
Au terme du vote sur les projets éligibles au Budget participatif 2024, qui s'est tenu du 5 au 24 septembre, cinq projets ont finalement été adoptés pour le 8e arrondissement, parmi lesquels le financement de l'étude préalable à la rénovation des grilles du parc Monceau, un projet patrimonial sur lequel je suis mobilisée depuis de nombreuses années.
Paris mieux protégé avec de nouveaux "secteurs patrimoniaux remarquables"
La ministre de la Culture a également annoncé vouloir travailler à la création de nouveaux "secteurs patrimoniaux remarquables" (SPR) pour l'Île-Saint-Louis (4e), le Faubourg Saint-Antoine (11e), la Nouvelle Athènes (9e), Montmartre (18e) et la Butte-aux-Cailles (13e). Selon le site du Ministère de la Culture, les sites patrimoniaux remarquables sont "les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public".
Jusqu'à présent, seuls deux quartiers bénéficiaient de la protection d'un "plan de sauvegarde et de mise en valeur" (PSMV), ancêtre du SPR : le Marais et le quartier des ministères dans le 7e arrondissement. Selon le site de la Ville de Paris, "les PSMV visent à éviter la disparition du patrimoine historique ou son atteinte irréversible en favorisant sa restauration et sa mise en valeur (tout en permettant son évolution)".
Je partage pleinement la position du directeur du site web La Tribune de l'Art qui s'est tout particulièrement réjoui de cette annonce. Didier RYKNER rappelle notamment que les SPR "permettent de définir finement les règles de protection du patrimoine dans des quartiers historiques, en disant clairement ce qu’il est possible et ce qu’il est impossible de faire. Ils définissent les édifices à conserver, ceux qu’il est possible de remplacer, éventuellement avec le même gabarit, et ce qu’on peut détruire. Il permettent aussi d’imposer la conservation des intérieurs - escaliers, caves, boiseries, etc - qui le méritent sans avoir à les protéger individuellement".
Oui à un National Trust "à la française" !
Pour financer la restauration du patrimoine, Rachida DATI a manifesté son vif intérêt pour le modèle du National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty, la Fondation nationale britannique pour les lieux d'intérêt historique ou d'une beauté naturelle, une association à but non lucratif fondée dans le but de conserver et de mettre en valeur des monuments et des sites d’intérêt collectif. Créé en 1895, gérant plus de 300 monuments et 200 jardins, le National Trust est devenu en un siècle la plus importante organisation de ce type en Europe et le deuxième propriétaire foncier privé du Royaume-Uni, après la Couronne britannique.
Je suis également très favorable à cette initiative, qui va d'ailleurs dans le sens de certaines recommandations formulées par Stéphane BERN, dans le cadre de la mission sur le patrimoine en péril que lui avait confiée le Président de la République en 2017, pour trouver des solutions de financement innovantes.
Les touristes doivent-ils tout payer et plus cher ?
Si je suis, à ce stade du débat, réservée sur la proposition de la ministre de la Culture de mettre en place un tarif symbolique pour les visites touristiques de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui rouvrira bientôt, je salue sa recommandation courageuse d'une tarification majorée des monuments et des musées nationaux pour les visiteurs en provenance de l'extérieur de l'Union européenne.
C'est déjà le cas dans de nombreuses capitales touristiques, à l'instar de New York par exemple. L'attractivité et le rayonnement de Paris ne souffriraient guère que les Parisiens et les Français ne soient plus les seuls contributeurs du financement des monuments et des musées visités chaque année par des millions de touristes.
Si le patrimoine n'a pas de prix, il a un coût...
Enfin, le financement des travaux des monuments historiques via les recettes publicitaires a de nouveau fait débat. Aux termes de l’article L. 621-29-8 du Code du patrimoine, les propriétaires de monuments historiques (inscrits ou classés, privés ou publics) peuvent demander à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) l’autorisation d’installer des bâches d’échafaudage comportant un espace publicitaire, dès lors que les recettes perçues sont affectés au financement des travaux.
Ce dispositif dérogatoire est très encadré. C'est en effet une dérogation aux dispositions du Code de l’environnement sur l’affichage publicitaire, avec l’objectif de permettre une levée de fonds supplémentaires pour l’entretien et la conservation du patrimoine protégé. Seuls les travaux de restauration extérieurs sont éligibles à un tel financement via les recettes publicitaires. A contrario, ne sont pas éligibles les travaux d’autre nature, tels que les travaux d’aménagement, de mise en accessibilité, de rénovation d’installations de chauffage, de plomberie, de mise en lumière ou encore d’amélioration de la performance énergétique.
Si notre patrimoine historique et religieux n'a pas de prix, son entretien et sa restauration ont un coût. Or, les propriétaires n'ont pas toujours les moyens de l'entretenir et de le restaurer. Comme élue de droite et en l'état de nos finances publiques nationales comme municipales, je préfère que les annonceurs qui ont un intérêt à investir dans la publicité puissent contribuer au cofinancement des travaux, plutôt que de solliciter tous azimuts le contribuable parisien et / ou français. N'oublions pas que c'est grâce aux recettes publicitaires des annonceurs et au legs universel consenti par Amélie DAOUT en faveur de l'église de la Madeleine qu'une partie significative du coût des travaux de restauration a pu être financée.

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