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Marges budgétaires : au pied du mur, la Mairie de Paris doit réduire ses dépenses les moins utiles



Comment retrouver des marges de manœuvre budgétaires sans creuser la dette, sans augmenter la pression fiscale et sans réduire les services municipaux essentiels ?
Comment retrouver des marges de manœuvre budgétaires sans creuser la dette, sans augmenter la pression fiscale et sans réduire les services municipaux essentiels ?

Alors que la dette de la Ville de Paris frôle désormais les 8 milliards d'euros et que la taxe foncière des propriétaires parisiens a d'ores et déjà été augmentée de + 52% cette année, la crise immobilière en cours fait chuter les transactions, et donc les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ou "frais de notaires", lesquels avaient rapporté à l'Hôtel de Ville 1,650 milliard d'euros en 2022 et devaient lui rapporter 1,652 milliard d'euros en 2023 selon son propre rapport d’orientations budgétaires 2023. Dans ces conditions, comment retrouver des marges de manœuvre budgétaires sans creuser la dette, sans augmenter la pression fiscale et sans réduire les services municipaux essentiels rendus aux Parisiens ? Eléments de réponse.


Des ressources désormais en baisse

Pour mémoire, le budget global de Paris – qui présente l’originalité d’être à la fois une commune, une intercommunalité et un département – dépasse les 10 milliards d’euros. Le manque à gagner de la chute des DMTO pourrait représenter 500 millions d'euros, soit près de 5% du budget de la capitale. En 2022, le retournement du marché immobilier était déjà en cours : comment la Mairie de Paris a-t-elle pu sincèrement anticiper une stabilité des DMTO et comment peut-elle encore, envers et contre tout, continuer de prévoir leur hausse de + 1,5% en 2024 puis à nouveau en 2025 ? Les ressources d'investissement baissent elles aussi en 2023 de - 78,1 millions d'euros à 588 millions d'euros, soit une baisse au-delà de - 10% par rapport à 2022. Et Mme HIDALGO ne peut plus compter sur l'encaissement des loyers HLM capitalisés auprès des bailleurs sociaux, une dérogation baroque aux règles de comptabilité des collectivités locales supprimée l'année dernière.

Existe-il des marges de manœuvre budgétaires à regagner du côté des ressources ? La pression de la fiscalité directe locale exercée sur les contribuables parisiens est déjà très forte. La Maire de Paris a récemment augmenté le taux de la taxe foncière de 13,5% à 20,5%, soit une hausse de + 7 points ou + 52%. Elle a également majoré la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Quant à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, elle rapporte plus que ne coûte ledit enlèvement... Or le service public rendu est très loin d'être toujours à la hauteur dans ce domaine ! J'avais d'ailleurs lancé au printemps une pétition en ligne pour privatiser d'urgence la collecte des ordures ménagères.

Mise à jour du 6 septembre 2023 : dans un courrier en date du 5 septembre 2023, la Présidente du Groupe Changer Paris, Rachida DATI, dénonce elle aussi "une nouvelle trahison de la parole donnée aux Parisiens par la Maire de Paris" et réclame un audit indépendant des politiques publiques municipales car "les Parisiens ont le droit de savoir où va l'argent pour une vie quotidienne totalement dégradée".


Le taux de la taxe foncière a déjà été augmenté de 13,5% à 20,5%, soit une hausse de + 7 points ou + 52%.
Le taux de la taxe foncière a déjà été augmenté de 13,5% à 20,5%, soit une hausse de + 7 points ou + 52%.

Si une hausse des recettes fiscales s'avérait indispensable, et par dérogation à mon opposition de principe à l'accroissement de la pression fiscale, une augmentation de la taxe de séjour acquittée par les touristes pourrait alors être envisagée. Elle reste relativement basse à Paris, en comparaison avec d'autres capitales touristiques. Elle coûte en effet 3,75 € par personne et par nuit dans un 5 étoiles (5 € dans un palace), 2,88 € dans un 4 étoiles, 1,88 € dans un 3 étoiles, 1,13 € dans un 2 étoiles et 1€ dans un 1 étoile. A Rome, par exemple, elle s'élève respectivement à 7 €, 6 €, 4 €, 3 € et 3 €. A Bruxelles, elle coûte entre 3 € et 9 €. Or, cette taxe a précisément vocation à ne pas faire supporter aux seuls contribuables parisiens les frais divers liés à l'activité touristique du territoire. De plus, les sites touristiques ne pratiquent pas de politique tarifaire différenciée entre résidents et touristes. Les visiteurs parisiens paient donc souvent deux fois, comme contribuables et comme visiteurs. Je ne crois pas qu'une augmentation - même un tant soit peu significative - de la taxe de séjour soit susceptible de faire, à elle seule, fuir les touristes. En revanche, ces derniers pourraient rapidement délaisser Paris si la propreté, la sécurité et les déplacements continuaient de s'y dégrader...


Poursuite des dépenses et de l'endettement

En 2023, toutes les dépenses de la Ville de Paris augmentent. Les dépenses de fonctionnement augmentent de + 357 millions d'euros pour atteindre 8,17 milliards d'euros, soit une hausse de + 4,3% par rapport à 2022. Les dépenses d'investissement augmentent de + 51 millions d'euros pour s'élever à 1,706 milliard d'euros, soit une croissance de + 3%.

La Maire de Paris fait ainsi un choix budgétaire irresponsable et imprévoyant, puisqu'elle continue de dépenser "sans compter", autrement dit elle continue de s'endetter, mais tout en "comptant" sur un marché de l'immobilier susceptible de se retourner durablement. Avec une autorisation d'emprunt fixée à 544,8 millions d'euros en 2023, la dette s'établira à la fin de l'année à 7,935 milliards d'euros, contre 7,715 milliards fin 2022, soit une nouvelle hausse de +2,85%. La dette parisienne aura ainsi doublé depuis 2014 et l'élection de Mme HIDALGO. Entre fin 2013 et fin 2023, elle sera passée de 3,6 à 7,9 milliards d'euros, une hausse moyenne de près de + 450 millions d'euros par an. Non seulement la dette parisienne est déjà très élevée, mais elle continue de progresser... A la fin de l'année, la durée de désendettement s'établira à 9,1 ans.


La mise sous tutelle de la Ville de Paris est-elle probable ? L'hypothèse d'une mise sous tutelle de la Ville de Paris a été régulièrement évoquée dans le débat public ces derniers mois à mesure que se multipliaient les difficultés financières pour la capitale, notamment par le ministre chargé des Transports (et candidat pressenti aux élections municipales à Paris) Clément BEAUNE. Cette hypothèse est-elle probable ? La mise sous tutelle d'une collectivité territoriale est un contrôle exercé par l'État sur les actes administratifs de cette collectivité concernant son budget. Elle est prévue par la combinaison des articles L 1612-15 et L 1612-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). La procédure prévue par l'article L 1612-15 est la suivante : lorsque le budget d'une collectivité territoriale n'est pas à l'équilibre, le préfet peut saisir la Chambre régionale des comptes ; cette dernière propose des solutions de rééquilibrage budgétaire ; puis la collectivité délibère pour rectifier son budget initial ; si la Chambre régionale considère que la rectification n'est pas suffisante, le préfet peut alors se substituer à la collectivité pour rendre exécutoires les prescriptions émises. Pour que l'État se substitue à la Ville de Paris, encore faudrait-il que soient réunies les conditions juridiques d'un déséquilibre budgétaire tel que prévu par l'article L 1612-4 du CGCT. Or, la Ville de Paris reste relativement crédible sur le plan financier, notamment parce qu'elle est propriétaire d'un très important patrimoine immobilier dans la capitale et en province (8,5 millions de m² sur 19 000 biens, dont 514 hors de Paris et dans près de 30 départements différents, selon le Premier adjoint à la Maire de Paris, Emmanuel GREGOIRE), principalement acquis dans la première moitié du 20e siècle pour l'organisation de colonies de vacances et de foyers. Ces dernières années, la Ville vend d'ailleurs une partie de son patrimoine immobilier pour s'adapter à l'évolution des politiques municipales mais aussi pour renflouer son budget. Enfin, l'hypothèse d'une mise sous tutelle de la Ville de Paris est d'autant moins probable, en l'état, qu'elle implique de déroger au principe de libre administration des collectivités territoriales, un principe général à valeur constitutionnelle du droit français.

L'impossible maîtrise budgétaire des JO

La réponse à la question des marges de manœuvre budgétaires est d'autant plus urgente que les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 pourraient accélérer la fuite en avant. Historiquement, aucune édition des Jeux olympiques d'été n'a tenu les coûts annoncés lors de la candidature, à l'exception de celle de Los Angeles en 1984.


Aucune édition des JO d'été n'a tenu les coûts annoncés lors de la candidature, à l'exception de celle de Los Angeles en 1984.
Aucune édition des JO d'été n'a tenu les coûts annoncés lors de la candidature, à l'exception de celle de Los Angeles en 1984.

En juillet, le président de la Cour des comptes, M. Pierre MOSCOVICI, avait pointé dans un entretien au Parisien "une sous-estimation du budget de candidature" de Paris. Commentant la publication d'un rapport dédié à l'organisation des JOP de Paris 2024, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances précisait : "celui présenté au moment de la candidature n’était tout simplement pas réaliste, il voulait sans doute convaincre par sa frugalité, mais il n’avait pas pris suffisamment en considération la complexité du cahier des charges du CIO". Finalement, le budget olympique de la Ville de Paris devrait atteindre 500 millions d'euros.


Personnels, subventions, grands travaux

"Il ne faut jamais gaspiller une crise", suivant le bon mot de CHURCHILL. La chute des DMTO a le mérite de placer la Maire de Paris au pied du mur budgétaire : elle ne peut plus reculer devant le problème du déséquilibre des finances de la capitale et va se trouver - enfin - contrainte de réagir. Pour équilibrer le budget de Paris, ma conviction est qu'il faut réduire d'urgence certaines dépenses dont l'utilité n'est pas suffisante, voire tout simplement guère avérée, comme je l'avais évoqué dans un précédent post.

Il faut d'abord réduire les dépenses de personnel. Les dépenses de personnel sont le premier poste des dépenses de fonctionnement. La Ville de Paris compte 55 000 fonctionnaires pour 2,1 millions d'habitants. Si le taux d'administration de la capitale est plus élevé qu'à Lyon ou Marseille, mais aussi qu'à Londres ou Rome, c'est notamment pour compenser le faible temps de travail des agents et le fort taux d'absentéisme. A date, à peine un quart des fonctionnaires parisiens travaille 35 heures par semaine et le taux d'absentéisme du personnel reste parmi les plus élevés de France. Il faut donc augmenter le temps de travail des fonctionnaires, responsabiliser l'ensemble des parties prenantes sur le fléau de l'absentéisme, et ne pas remplacer un départ à la retraite sur trois ou quatre dans certaines fonctions d'encadrement et de sous-directions.

Il faut ensuite réduire les dépenses de subventionnement. La Ville de Paris subventionne chaque année plusieurs milliers d'associations et d'organisations dont l'objet est souvent éloigné, et parfois même sans aucun rapport, avec les besoins et les attentes des Parisiens. Comme je l'ai déjà dénoncé, ce système des subventions est dévoyé. Il est temps de nettoyer les écuries d'Augias !


La Ville de Paris subventionne chaque année plusieurs milliers d'associations et d'organisations.
La Ville de Paris subventionne chaque année plusieurs milliers d'associations et d'organisations.

Il faut enfin réduire les dépenses de grands travaux d'urbanisme. Si la Maire de Paris a abandonné l'ambition de faire adopter un Programme d'Investissement de la Mandature (PIM) pour les années 2020-2026, elle n'a pas renoncé à nombre de grands travaux d'urbanisme dont le coût élevé pour les contribuables est parfois inversement proportionnel à l'utilité pour les Parisiens : rénovation des Champs-Elysées, transformation des abords de la Tour Eiffel et de la place du Trocadéro, etc. Les raisons qui président à la volonté de conduire ces travaux méritent d'être réinterrogées. Là comme ailleurs, j'appelle la Maire de Paris à faire plus, et à faire mieux, pour la vie quotidienne des Parisiens. Y compris, s'il le faut, puisque la décision politique revient à arbitrer et à "trancher", en privilégiant les habitants sur les touristes lorsque les intérêts s'avèrent difficiles à concilier, voire contradictoires.

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