Mise à jour du 15 octobre 2024 : les députés de Paris Sylvain MAILLARD, David AMIEL, Olivia GREGOIRE et Jean LAUSSUCQ ont déposé le 15 octobre 2024 une proposition de loi n°451 "
N° 451 "visant à réformer le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des "conseils municipaux de Lyon et Marseille".
Le sujet de la réforme du mode de scrutin pour les élections municipales à Paris est à nouveau dans l'actualité politique et parlementaire, comme souvent en amont de l'échéance. Cette fois, le projet de réforme est à l'initiative du député Renaissance de la 1ère circonscription législative de Paris. Il devrait déposer début 2024 une proposition de loi pour modifier la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon, dite "loi PML". La dernière proposition de loi sur ce sujet est celle de l'ancien député Eric DIARD (Les Républicains). Il avait déposé le 15 septembre 2020 une proposition de loi n°3307 "permettant l’élection au suffrage universel direct des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille". Mais son texte - à l'instar de la plupart des propositions de loi - n'avait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Une singularité : le "double" scrutin indirect
Le mode de scrutin pour les élections municipales à Paris (ainsi qu'à Marseille et Lyon) est unique en France : les électeurs n'élisent pas directement le Conseil municipal ou Conseil de Paris (qui élit ensuite le Maire) dans une circonscription territoriale unique ; ils élisent au niveau de l'arrondissement les Conseillers d'arrondissement qui composent ensuite une partie du Conseil de Paris (qui élit enfin le Maire). En votant pour une seule liste avec un seul bulletin de vote, les Parisiens choisissent au même moment, sans distinction possible, leurs élus d’arrondissement, parmi lesquels quelques membres du Conseil de Paris, qui éliront le Maire de Paris. En d'autres termes, la composition du Conseil de Paris est déterminée par les Conseillers d'arrondissement alors que dans les 34 816 autres communes de France, les électeurs choisissent directement la composition de leur Conseil municipal. L'élection du Maire de Paris s'effectue donc au terme d'un "double" scrutin indirect, alors qu'il est élu partout ailleurs au terme d'un "simple" scrutin indirect.
Le scrutin des élections municipales à Paris est un scrutin territorial de liste au suffrage universel à 2 tours organisé dans 17 secteurs électoraux, chaque secteur électoral correspondant à l'un des 20 arrondissements administratifs de la capitale, avec un secteur "Paris Centre" qui comprend désormais les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. Les membres du Conseil de Paris et des Conseils d'arrondissement sont issus d'un scrutin commun à la ville et à l'arrondissement. Le vote des électeurs se déroule au niveau de chaque arrondissement. Les Conseillers de Paris élisent ensuite le Maire de Paris. Et dans chaque arrondissement, les élus du Conseil d’arrondissement (les Conseillers de Paris et les Conseillers d’arrondissement) élisent le Maire d’arrondissement. Seules les listes ayant obtenu au moins 10% des suffrages au premier tour peuvent se maintenir au deuxième tour. Dans chaque arrondissement, la liste qui réunit une majorité absolue (plus de 50% des suffrages exprimés) au premier tour ou qui arrive en tête au deuxième tour (même avec une majorité relative) obtient la moitié des sièges (de conseillers de Paris et de conseillers d’arrondissement). Les sièges restants sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5%, y compris celle arrivée en tête. Particularité : entre les deux tours, les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages peuvent faire alliance ou fusionner avec des listes qui ont le droit de se maintenir au second tour (celles qui ont obtenu au moins 10%).
Les Parisiens sont représentés par 503 élus parisiens, à savoir 163 Conseillers de Paris et 340 Conseillers d’arrondissement. Tous sont élus pour un mandat de 6 ans. Tous les élus parisiens siègent dans les Conseils d’arrondissement. Les 163 Conseillers de Paris siègent aussi au Conseil de Paris.
Chaque arrondissement, en fonction de sa démographie, envoie un certain nombre d’élus au Conseil de Paris (de 3 à 18 élus). Seuls les premiers élus de chaque liste siègent au Conseil de Paris : ce sont les Conseillers de Paris ou Conseillers municipaux. Par exemple, pour le 8e arrondissement, le Conseil du 8e arrondissement compte 13 élus. Parmi eux, 3 sont Conseillers de Paris et siègent à la fois au Conseil de Paris et au Conseil d’arrondissement. Les 10 autres sont Conseillers d’arrondissement et ne siègent qu’au Conseil d’arrondissement.
Distorsions territoriales de la démocratie locale
La loi PML, en créant des élus d'arrondissement et des secteurs électoraux, n'excluait pas nécessairement le maintien d'une élection des membres du Conseil de Paris au suffrage universel direct dans le cadre d'une circonscription territoriale unique. Mais le législateur de 1982 a voulu faire prévaloir une logique territoriale, celles des arrondissements ou des secteurs, sur une logique démocratique. Il en résulte des distorsions territoriales de la démocratie locale.
Première distorsion territoriale : un Maire de Paris peut être élu en étant minoritaire en voix et / ou minoritaire en arrondissements remportés. En 2020, il suffisait par exemple qu’un candidat récolte 50,01 % des voix dans les 10e, 13e, 14e, 15e, 16e, 18e, 19e et 20e arrondissements (soit 8 arrondissements sur 20), sans obtenir la moindre voix dans les douze autres arrondissements, pour obtenir une majorité absolue de 82 des 163 sièges du Conseil de Paris et ainsi se faire élire Maire avec seulement 31 % des suffrages exprimés sur l’ensemble de la ville, comme l'avait démontré le député DIARD dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi. La loi PML favorise dès lors les campagnes électorales fondées sur une stratégie de sectorisation et de mobilisation d'une géographie et d'un camp, avec des arrondissements "à mobiliser", d'autres "à basculer", d'autres encore "à délaisser", suivant qu'ils sont plus ou moins favorables aux candidats.
Seconde distorsion territoriale : les citoyens n'ont pas tous "la même voix au chapitre" électoral. La voix d'un Parisien qui vote pour la liste perdante d'un arrondissement sera peu, voire pas du tout, représentée au Conseil de Paris. Elle est, pour ainsi dire, "perdue". C'est l'exemple classique de l'électeur de gauche dans le 8e arrondissement, ou de l'électeur de droite dans le 20e arrondissement, lesquels peuvent légitimement s'interroger sur leur représentation. L'intérêt à voter étant moindre pour ces électeurs "localement minoritaires", il en résulte un effet démobilisateur et une abstention plus élevée que la moyenne pour les élections municipales.
Pour une "municipalisation" du scrutin
Sous réserve du texte que le député Sylvain MAILLARD déposera effectivement sur le bureau de l'Assemblée nationale, la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille devrait prévoir la suppression du "double" scrutin indirect pour l’élection du conseil municipal, afin de rentrer dans le droit commun du "simple" scrutin indirect. Les électeurs parisiens, lyonnais et marseillais devraient ainsi pouvoir élire directement leurs Conseils municipaux, comme le font tous les six ans près de quarante millions d’autres électeurs, dans une circonscription territoriale unique et non arrondissement par arrondissement ou secteur par secteur. Pour autant, afin de préserver un niveau de proximité où s'exerce la démocratie locale, les Mairies d'arrondissement et de secteur ne seraient pas supprimées. Autrement dit, l'option d'un retour au mode de scrutin d'avant 1977, avec pour Paris la seule élection des Conseillers de Paris au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, est exclue.
Afin de "municipaliser" le scrutin et d'élire plus directement les Conseillers de Paris, deux options seraient envisageables. Une première option serait d'instaurer le mode de scrutin des élections régionales, un scrutin de liste à la représentation proportionnelle, avec prime majoritaire, à deux tours, chaque liste régionale (paritaire) contenant autant de "sections départementales" qu'il y a de départements dans la région. Dans la capitale, chaque liste parisienne contiendrait ainsi 17 sections d'arrondissement ou de secteur. Une seconde option serait de distinguer l'élection du Conseil de Paris et les élections des Conseils d'arrondissement. Les électeurs parisiens voteraient alors deux fois le même jour, avec deux urnes et deux bulletins, pour élire leurs Conseillers de Paris et pour élire leurs Conseillers d'arrondissement.
Quelle que soit l'option finalement retenue, l’attribution des sièges au Conseil de Paris ne serait plus déterminée au niveau de l'arrondissement ou du secteur, mais au niveau de la ville, dans une circonscription territoriale unique, de sorte que sa composition reflète mieux la volonté des électeurs de toute la commune et non la seule volonté des électeurs de certains secteurs "clefs".
Pour les élections municipales à Paris, je suis favorable à une "municipalisation" du mode de scrutin dans une circonscription territoriale unique. J'y vois un triple enjeu de clarté démocratique, de légitimité du Maire de Paris et d'égalité des citoyens. Je préfère qu'un candidat à la Mairie de Paris s'efforce de convaincre une majorité des Parisiens, en toute transparence, plutôt qu'une majorité des Conseillers de Paris, dans une certaine opacité. J'ajoute que "découpler" les votes pour le Conseil d'arrondissement et pour le Conseil de Paris permettrait de panacher la continuité et la rupture, la permanence et le changement : lors du même scrutin, il deviendrait possible de voter pour l'alternance uniquement à l'un des deux niveaux, celui de l'arrondissement ou de la capitale.
Si elle est souhaitable, cette réforme du mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille est-elle possible ? A-t-elle des chances d'être adoptée ? Une fois n'est pas coutume, le contexte politique semble plutôt favorable. Certes, la Maire de Paris, Anne HIDALGO, a d'ores et déjà manifesté son opposition, dans son intérêt électoral bien compris. Pratiquant de longue date une politique de population clientéliste dans les arrondissements de la capitale décisifs pour le maintien au pouvoir de la gauche, la Maire de Paris fait semblant de ne pas voir le problème démocratique du déficit de réprésentativité du Conseil de Paris. Son Premier adjoint soutient aussi qu'une ville de 2,2 millions d'habitants ne saurait être soumise au droit commun électoral... Avec ce type de raisonnement, seul un régime autoritaire permettrait de gouverner un pays de plus 68 millions d'habitants !
Une convergence transpartisane se dessine toutefois. La candidate des Républicains pour la Mairie de Paris en 2020, pressentie pour l'être à nouveau en 2026, Rachida DATI, devrait soutenir le projet de réforme. Le candidat Horizons Pierre-Yves BOURNAZEL y est aussi favorable. A Lyon et Marseille, les Maires en place, Grégory DOUCET (Les Ecologistes) et Benoît PAYAN (ex-socialiste), devraient également le soutenir. Bien sûr, les représentants de la majorité présidentielle - au Parlement et au Conseil de Paris - devraient soutenir une initiative issue de leur rang.
Comme le journaliste du Figaro Guillaume TABARD l'a démontré dans un article du 14 novembre 2023 sur une éventuelle modification du mode de scrutin Paris, Lyon et Marseille, "c'est par la dynamique politique plus que par le mode de scrutin que les alternances sont jouables".
Le journaliste me mentionnait d'ailleurs nommément dans son papier comme l'une des personnalités qui "ont pu se maintenir en raison de leur poids spécifique dans un arrondissement donné". Pour mémoire, en recueillant plus de 1 500 des suffrages exprimés au second tour des élections municipales, soit plus de 17% des voix, j'avais alors réalisé le meilleur score d'un candidat indépendant à Paris.
Si l'issue de l'élection municipale à Paris, comme à Lyon ou à Marseille, est moins déterminée par le mode de scrutin que par la dynamique politique, les opposants n'en auraient pas moins beau jeu de dénoncer un "tripatouillage électoral" dans l'hypothèse où le projet de réforme interviendrait à quelques mois de l'échéance. Si une réforme doit avoir lieu, elle devra être conduite dès le premier semestre de l'année 2024. Ensuite, elle prêterait trop le flanc à la critique d'une instrumentalisation électoraliste.
Aller plus loin pour la montée en compétences des maires d'arrondissement
Si la loi PML devait être révisée pour modifier le mode de scrutin à Paris, il faudrait en profiter pour réformer plus largement le statut de Paris et améliorer la répartition des compétences entre la Mairie centrale et les Mairies d'arrondissement. L'enjeu est d'adapter cette répartition aux attentes des Parisiens dans le domaine des services de proximité, dont ils imputent la responsabilité aux Maires d'arrondissement. L'arrondissement a vocation à être l'échelon des compétences de proximité en matière de propreté, de voirie, d'urbanisme, sans oublier la politique du logement social et de son attribution.
Lors de l'examen de la loi de 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, le rôle des Maires d'arrondissement à Paris a été renforcé dans un certain nombre de politiques publiques, mais pas dans le domaine de l'attribution des logements sociaux : les désignations au bailleur pour attribution continuent d'être faites pour moitié par le Maire de Paris et pour moitié par les Maires d'arrondissement. Or, je crois qu'il serait utile de renforcer le rôle des Maires d'arrondissement dans le domaine de l'attribution des logements sociaux, parce qu'ils sont des décideurs de proximité ayant une connaissance fine du territoire et des besoins de leur arrondissement. L'éventail d'une meilleure répartition des compétences dans ce domaine est large, d'une augmentation de la part d'attribution des logements par les Maires d'arrondissement à une compétence exclusive pour cette attribution. Sans aller jusqu'à l'attribution d'une personnalité morale aux arrondissements, l'exercice de ces nouvelles compétences pourrait s'effectuer soit par des avis conformes soit par des délégations obligatoires de compétences.
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