Tribune | Mettons un terme à l’urbanisme municipal du dogme et de l'amateurisme
- Catherine Lécuyer
- 3 juin
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Dernière mise à jour : 9 juin

TRIBUNE | La Conseillère du 8e arrondissement Catherine LÉCUYER considère que la correction du Plan local d'urbanisme bioclimatique (PLUb) est la reconnaissance de la fragilité d'une démarche entachée de dogmatisme sur le fond et d'amateurisme sur la forme.
Son encre à peine sèche, le PLUb adopté en novembre 2024 vire au cauchemar pour la Ville de Paris. Le Conseil de Paris doit adopter dès ce mois de juin une délibération pour corriger plusieurs emplacements réservés, espaces verts et prescriptions patrimoniales. Il faut dire que de nombreux propriétaires attaquent en justice les "pastilles" qui frappent leurs parcelles : erreurs grossières, contradictions internes au PLUb, projets purement irréalisables… Le "pastillage" apparaît pour ce qu'il est : une démarche ternie par le dogmatisme sur le fond - elle vise principalement les arrondissements de droite pour atteindre son objectif de 40%, voire 60%, de logements publics - et l'amateurisme sur la forme - avec un ciblage arbitraire de parcelles soudainement grevées de prescriptions d’urbanisme qui piétinent la cohérence urbaine, la faisabilité des projets et le droit de propriété.
Idéologie et bricolage
Une fois acté le principe de viser les arrondissements de droite, l'Hôtel de Ville a pastillé au "pifomètre", sans visite de terrain ni connaissance du bâti existant : cours d'immeubles privées, inaccessibles et non cessibles, soudainement transformées en "espaces verts à créer" sur plan ; bâtiments en parfait état fléchés pour devenir des équipements publics, sans aucune étude de faisabilité ni consultation des propriétaires ; immeubles d'habitation occupés pastillés pour du logement social alors qu'aucune transformation réaliste n'est envisageable… Ce pastillage à l'aveugle pour accélérer à marche forcée la politique municipale du logement social plonge les propriétaires dans une profonde insécurité juridique. Certains découvrent le sort de leur bien en consultant… le site de la Ville !
Dans son rapport de juillet 2024, la commission d'enquête publique avait pourtant fustigé l'opacité des critères de sélection des pastilles, avec de nombreuses prescriptions "mal justifiées ou difficilement applicables", édictées à l'aveugle, et suggéré la suppression d'une centaine d'emplacements réservés. Elle s'était fortement élevée contre la chasse aux sorcières visant les établissements privés catholiques. Plusieurs écoles avaient en effet été pastillées pour du logement social ou des équipements publics, sans que la Ville ait mesuré l'impact dévastateur sur leur fonctionnement. La levée de boucliers médiatique et politique fut telle qu'elle dut retirer ses pastilles en urgence.
Épée de Damoclès financière
Sous le vernis de l'ambition écologique et sociale, le PLUb est un document instable, truffé de contradictions. La commission d'enquête elle-même avait posé des conditions drastiques à son approbation, exigeant la suppression des pastilles non nécessaires, inadaptées, disproportionnées ou inopérantes et une clarification impérative sur les parcelles sensibles. Plus grave encore, l'enquête publique avait déploré un dialogue quasi inexistant avec les riverains impactés, réclamant une concertation digne de ce nom et une transparence des intentions.
Face aux restrictions dans l'utilisation de leur propriété, les propriétaires ne restent pas les bras croisés : nombre d'entre eux font jouer leur droit de délaissement et exigent de la Mairie de Paris qu'elle achète sous 2 ans leurs parcelles réservées. En pastillant tous azimuts, non seulement la Ville a créé inutilement une insécurité juridique potentielle dont l'effet réel est de dévaloriser ipso facto les parcelles pastillées, mais encore elle se place sous une épée de Damoclès financière puisqu'elle n'a pas les moyens d'assumer une généralisation de l'exercice du droit de délaissement par les propriétaires pastillés. A fortiori en l'état dégradé de ses finances !
Une révision complète des pastilles
Les Parisiens n'attendent pas de leur Ville un urbanisme dogmatique et amateur, mais un cadre lisible, stable et juridiquement sûr de la transformation de Paris pour les décennies à venir. Il convient donc de redonner au PLU parisien sa vocation première : être un outil réglementaire et stratégique qui trace les perspectives du Paris des années 2030-2040… et non une carte à corriger régulièrement !
C'est pourquoi il faut prévoir une révision complète de l'ensemble des pastilles, notamment celles pour la création de logement social, trop souvent inadaptées et disproportionnées. C'est la condition sine qua non pour regagner la confiance des Parisiens et des propriétaires. La prochaine majorité municipale devra l'assumer pour rebâtir, enfin, un urbanisme crédible, durable et partagé.
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