Point de vue | Grève des ordures à Paris : stop aux maîtres-chanteurs !
- Catherine Lécuyer
- 11 mai 2024
- 3 min de lecture

Dans ce "point de vue", je déplore que le chantage au conflit social soit devenu une nouvelle discipline olympique et appelle la maire de Paris à mettre en place des solutions de court, moyen et long termes.
La honte ! En mars 2023, les trottoirs et les chaussées de la capitale ont été jonchés pendant des semaines de centaines de tonnes d'ordures ménagères et de poubelles éventrées. Cette situation porta atteinte à la salubrité publique, créa un risque d'épidémie et d'incendie, et dégrada l’image de Paris. Le tout avec la complicité de Mme Hidalgo qui avait préféré soutenir la grève contre la réforme des retraites du Président Macron plutôt que de rendre à ses mandants le service public qui leur est dû.
Aujourd'hui, les syndicats des services municipaux qui assurent la collecte des ordures ménagères multiplient à nouveau les préavis de grève avant et pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris. Plus largement, le chantage au conflit social devient discipline olympique dans tous les secteurs.
Abus du droit de grève
La collecte des ordures ménagères est pourtant un service public. L'une des limites au droit de grève est précisément la continuité du service public, principe de valeur constitutionnelle fondé sur la nécessité de satisfaire en permanence certains besoins d'intérêt général. Ainsi de nombreux agents publics ne disposent pas du droit de grève (militaires, magistrats, etc.) ou ne disposent que d'un droit de grève limité par le service minimum (contrôleurs aériens, personnel hospitalier, etc.).
Parce qu'un droit doit toujours être exercé de façon proportionnée par rapport aux objectifs de sa création et aux droits des tiers, le droit de grève n'a jamais été illimité. La liberté d'aller et venir, la liberté d'accès aux services publics, la liberté du commerce, la liberté du travail, le droit de mener une vie familiale normale, sont des libertés tout aussi fondamentales et des principes à valeur tout aussi constitutionnelle que le droit de grève. A l'approche des JOP, l'abus du droit de grève et de la menace de la grève est ainsi manifeste.
Un compromis originel bancal
A Paris, pour des raisons historiques, un compromis politique remontant au premier maire de Paris élu - Jacques Chirac - pour éviter la reproduction de la grève massive de la CGT de 1977, l'organisation de la collecte des ordures ménagères a été subdivisée et diffère suivant les arrondissements. Les services municipaux assurent la collecte en régie dans la moitié des arrondissements de Paris (2e, 5e, 6e, 8e, 9e, 12e, 14e, 16e, 17e, 20e) et des prestataires privés assurent la collecte en délégataires du service public dans l'autre moitié (1er, 3e, 4e, 7e, 10e, 11e, 13e, 15e, 18e, 19e).
Cette organisation baroque génère une inégalité des Parisiens face à la grève, dans une ville la cinquième plus dense au monde déjà très exposée aux enjeux sanitaires. Dans le 8e arrondissement, une situation de grève pendant les JOP serait ainsi très dommageable alors que celui-ci accueillera des épreuves sur les sites et les abords de la place de la Concorde, du Grand Palais et du pont Alexandre III.
Courage politique
Des solutions existent afin de mettre définitivement Paris à l'abri du chantage à la grève des ordures et de restaurer un peu de souveraineté municipale face aux intimidations corporatistes. Bien sûr, elles exigent du courage politique. L'actuelle maire de Paris pourrait répondre aux besoins de court terme. Son successeur, à ceux de moyen et long termes.
A court terme, il faut d'abord anticiper le recours à des prestataires privés pour pallier toute grève, dans les prochaines semaines, des services municipaux qui assurent la collecte dans la moitié des arrondissements. A moyen terme, il faut ensuite privatiser la collecte des ordures ménagères dans tout Paris, en permettant aux prestataires privés d'assurer la collecte en délégataires du service public dans les vingt arrondissements. A plus long terme, il faut enfin instaurer une véritable obligation de service public minimum, laquelle implique un pouvoir de réquisition et de sanction. Les parlementaires parisiens pourraient prendre l'initiative d'une loi générale qui arbitre secteur par secteur, y compris pour la collecte des ordures ménagères, l'équilibre à trouver entre continuité du service public et droit de grève. Ainsi les maîtres-chanteurs ne pourront-ils continuer de chanter, ou en tout cas un ton en dessous.
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