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Point de vue | Plan baignade : un pari politique ne fait pas une politique publique !

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La promesse avait des allures de revanche historique : un siècle après son interdiction, les Parisiens allaient de nouveau se baigner dans la Seine. L’image était belle, presque trop belle. À l’approche des Jeux, la mairie de Paris avait érigé cette ambition en totem de sa politique écologique, symbole d’audace et de reconquête urbaine. Mais la publication récente du rapport définitif de la Chambre régionale des comptes d’Île-de-France vient brutalement fissurer ce récit.

Intitulé "Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : Ville de Paris, baignabilité de la Seine", ce document dresse un tableau préoccupant, bien loin des plongeons médiatiques de l'été. Coûts dissimulés, gouvernance défaillante, efficacité sanitaire incertaine : la baignade dans la Seine n’est plus ce rêve collectif vendu aux Parisiens, mais menace de devenir l’un des plus lourds fiascos financiers de la mandature.


Les Parisiens paient l'addition à leur insu

Le rapport de la CRC est formel : la décision de faire nager les athlètes dans la Seine n’a été précédée d’aucune étude solide. Dès 2015, la maire de Paris annonçait la tenue du triathlon dans le fleuve sans évaluation préalable des risques ni des coûts. Tout le "Plan Baignade" s’est donc construit à l’envers : la promesse d’abord, la faisabilité ensuite. Cette inversion a transformé le projet en une course contre la montre où les exigences olympiques ont dicté les investissements au détriment d’une vision durable.

Le chiffrage révélé est accablant : 134,6 M€, dont près de 85 M€ réellement à la charge de la Ville. Plus grave encore, la mairie a opté pour une stratégie financière opaque en imputant la quasi-totalité de ces dépenses au budget annexe de l’assainissement. En clair, la Ville a choisi de ne pas solliciter le budget principal, préférant faire financer ces travaux d'image directement par les usagers. Ce sont donc les familles parisiennes, via leurs factures d’eau, qui paient pour les Jeux. Cette manœuvre, pointée du doigt par la Chambre, contrevient à l'esprit du code des collectivités : les eaux pluviales, responsables de la pollution du fleuve, auraient dû être financées par le budget général. Les usagers ont payé pour un projet sur lequel ils n'ont jamais été consultés.


Un héritage en trompe-l’œil

La promesse la plus populaire, la "baignade pour tous", s’avère être le maillon faible du dispositif. Les trois sites permanents (Bercy, Bras Marie, Bras de Grenelle) représentent 13,5 M€ d’investissement, auxquels s’ajouteront plus de 4 M€ par an de fonctionnement. Rapporté au nombre prévisionnel de baigneurs, le coût est exorbitant : trois fois supérieur à celui d’une entrée en piscine municipale. Pourquoi ? Parce que ces sites ne seront ouverts que de manière sporadique. Aucune donnée bactériologique ne permet aujourd'hui de classer ces eaux comme « conformes » au sens strict de la directive européenne. L'ouverture reposera sur un protocole précaire, avec des fermetures préventives au moindre orage. Nous avons construit un équipement à prix d'or pour une utilisation anecdotique.

Certes, les Jeux furent une réussite technique grâce à une mobilisation exceptionnelle (suivi en temps réel, brigades dédiées, etc.). Mais ce régime d'exception n'est ni durable, ni reproductible. Une fois les caméras parties, le fleuve redevient vulnérable à ses défauts structurels. Le rapport de la Cour des comptes sonne comme un avertissement : l’héritage promis n’est garanti ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan budgétaire. En voulant transformer la Seine en bassin olympique, la municipalité a précipité des travaux nécessaires depuis les années 90, mais sans la méthode requise pour les rendre pérennes.

Un pari politique ne fait pas une politique publique ! L’absence de transparence et la fragilité du projet compromettent l’héritage vanté. Pour la Seine, le vrai défi commence maintenant : sortir de la communication pour reconstruire une politique de l’eau réaliste et responsable. L’écologie exige la vérité, pas des opérations d’image.

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